Critique de : Nous commençons notre descente de James Meek
Grand reporter, James Meek a notamment reçu quelques récompenses prestigieuses pour des reportages sur l’Irak et la prison de Guantanamo. Et si plusieurs de ses romans n'ont pas encore été traduit en français, on ne peut que saluer la qualité de ceux qui l'ont déjà été, dont Nous commençons notre descente, qui paraît pour cette rentrée littéraire.
Le précédent roman traduit en français de James Meek, le phénoménal Un acte d'amour (Métailié, 2007), avec ses russes fous et son cannibalisme habité, venait de nulle part et avait pris toute la critique par surprise. Nous commençons notre descente vient d’un peu moins loin (notre monde en guerre, Kaboul, Londres, New York, aujourd’hui) mais laisse cette même impression de saisir le lecteur quelque part entre la poitrine et le cerveau, là où naissent les émotions, les doutes et les angoisses, et de presser ce point vital comme une orange, pour en faire sortir le suc, l’espoir et la raison.
Reporter de guerre lasse
Roman au titre prometteur, Nous commençons notre descente suit les pas d’un grand reporter de guerre, Marc Kellas, en pleine campagne d’Afghanistan. Celui-ci écrit, parallèlement à ces articles un thriller ("L’Envol de l’Aigle solitaire" – sic) que tout le monde trouve assez absurde : une histoire de guerre entre les Etats-Unis et l’Europe déclenchée par le comportement non moins improbable d’une compagnie de soldats devenue folle, et qu’il a pré-vendu (pense-t-il) à un éditeur new-yorkais.
En pleine immersion guerrière, Kellas rencontre une autre journaliste américaine, Astrid, avec laquelle il vit une intense passion de quelques jours. Alors qu'Astrid est insaisissable et semble ne pas vouloir s’attacher, Mark place, d’emblée, un peu trop d’importance et de romantisme dans ce qui ressemble de l’extérieur à quelques coups d’un soir. Après leur rencontre, les deux amants se retrouvent indirectement responsables de la mort d’une poignée d’afghans. Meek décrit avec un réalisme forcené leurs appendices technologiques, comme s’il s’agissait d’armes ou d’armures, tandis que le monde alentour semble bloqué au XIème siècle.
Mark rentre à Londres tandis qu’Astrid saute de l’avion à la dernière minute. Alors que l'on s’interroge encore sur la signification de cette rencontre et de ces séquences (lit-on un roman traitant de l’impact de la guerre sur les grands reporters ?), Meek embraie pied au plancher sur sa séquence londonienne. Plus que la guerre, tout ce qui a précédé a servi à introduire le ver dans le fruit occidental, la folie dans ce qui semblait une existence prometteuse, ou conforme aux standards d’une certaine classe internationale occidentale. Mark va perdre les pédales ou plus justement, tomber du vélo.