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blog littéraire

  • Lecture de : Nous commençons notre descente de James Meek - fin

    Suite de notre chronique de Nous commençons notre descente

    Nous commençons notre descente de  James Meek.JPGDevenir fou

    De retour à Londres, le journaliste ne tient plus en place dans son ancienne vie. Meek se paie une grande scène de sabordage cruel à la Martin Amis ou à la Jonathan Coe, dont la violence et l’incongruité est renforcée par le décalage complet d’avec les 100 premières pages du livre. Kellas est obsédé par le souvenir d’Astrid, et le romancier met en scène la cristallisation amoureuse qui gagne l’homme jusqu’à lui faire perdre la tête, tout en la jouant assez finaud pour ne pas expliciter les causes profondes du déséquilibre. Il suggère que le sens peut s’échapper d’une existence en faisant pschitt, proposant par ce moyen une critique assez radicale du monde qui s’échine à rester le nôtre, alors que tout le reste tourne maboul.

    Un jour, Mark Kellas reçoit un mail d’Astrid qui lui demande de venir la rejoindre. Il prend l’avion illico, passe à New York chez son éditeur qui se défile (l’entreprise est rachetée) et parachève sa déroute. Astrid vit sur une île, avec un homme plus vieux qu’elle. A-t-elle appelé à l’aide ? Veut-elle revoir Mark ou s’agit-il d’autre chose ? Peut-on aimer unilatéralement une femme qu’on connaît à peine ? Nous commençons notre descente. Le titre emprunté au trajet aérien qui mène Kellas à New York suggère que tout se termine toujours par un atterrissage. Et celui-ci aura bien lieu, avec des allures de crash mais aussi un rétablissement un rien branque, qui constitue la seule touche d’espoir (mince et tellement belle) du roman.

    Des bienfaits de la tragédie antique

    Roman du déséquilibre, Nous commençons notre descente semble constitué de parties qui ne vont pas bien ensemble (l’épisode londonien est volontairement outré, laborieuse, lestée de blagues et de séquences inélégantes sur le plan littéraire) mais qui produit, par la somme de ces mêmes parties, un mouvement hypnotique, terrifiant et incroyablement fluide. La dégringolade de Kellas est une dégringolade humaine mais, d’une certaine façon aussi, une dégringolade civilisationnelle, amoureuse et psychologique, un portrait ultraprécis de l’homme occidental d’aujourd’hui.

    Nous commençons notre descente est le roman du dérisoire qui s’oppose à l’essentiel, de l’homme qui se bat à poil contre un sort plus fort que lui. Meek est comme un tragédien grec ou l’égal d’un Racine. Son roman met à jour la nature humaine et gratte la chair des passions jusqu’à l’os. Le résultat est d’une justesse sidérante, un de ces romans qui, lorsque les détails s’effacent, laissent une trace impressionniste dans le souvenir du lecteur. Une autre merveille.

    James Meek, Nous commençons notre descente, Métailié, août 2008.

  • Avis sur : Boo de Neil Smith

    Boo de Neil Smith.JPGBoo raconte l'histoire de Oliver Dalrymple, un adolescent de treize ans qui meurt subitement et se retrouve dans la ville de Bordertown, un lieu transitoire entre la vie et la mort. Ce décor fascinant est habité par d'autres esprits comme lui, tous âgés de treize ans au moment de leur décès. Avec sa plume captivante, Neil Smith décrit la puissance de l'imagination dans cet au-delà, où chaque habitant doit créer son propre "chez-soi" avec ses pensées et ses rêves.

     
    Bien que le roman soit irrémédiablement marqué par la mort, il ne manque pas d'explorer des thèmes profonds tels que l'amitié, la perte, l'identité et la résilience. L'auteur parvient à dépeindre les émotions avec une finesse remarquable, et cela donne au lecteur l'occasion de réfléchir sur sa propre vie et sa propre mortalité. Boo est une véritable ode à la persévérance et à la beauté de l'existence humaine.

     
    Neil Smith a créé des personnages étonnamment réalistes et attachants dans ce roman. Oliver, qui fait face à sa propre mort prématurée, nous offre une perspective touchante sur l'adolescence, tandis que les autres esprits de Bordertown présentent un éventail fascinant de personnalités. Leurs interactions et leurs découvertes communes rendent l'histoire encore plus prenante, et le lecteur ne peut s'empêcher de s'attacher à ces jeunes protagonistes.

     
    L'écriture de Neil Smith est tout simplement magistrale. Il maîtrise l'art de dépeindre des scènes saisissantes et de créer des mondes imaginaires avec une poésie envoûtante. Chaque mot est choisi avec soin, et cela se ressent à travers chaque page du livre. L'auteur nous transporte avec une facilité déconcertante dans ce monde entre la vie et la mort, nous faisant ressentir chaque émotion avec intensité.

     
    Boo de Neil Smith est incontestablement un livre qui marque les esprits. Avec son ambiance unique, ses thèmes profonds et ses personnages mémorables, il est impossible de ne pas être captivé par cette lecture. Si vous cherchez un roman qui vous fera réfléchir tout en vous divertissant, Boo est un choix parfait. Préparez-vous à être enchanté et hanté à la fois par cette histoire puissante et poétique. 

     

     

  • Critique de : Nous commençons notre descente de James Meek

    Nous commençons notre descente de  James Meek.JPGGrand reporter, James Meek a notamment reçu quelques récompenses prestigieuses pour des reportages sur l’Irak et la prison de Guantanamo. Et si plusieurs de ses romans n'ont pas encore été traduit en français, on ne peut que saluer la qualité de ceux qui l'ont déjà été, dont Nous commençons notre descente, qui paraît pour cette rentrée littéraire.

    Le précédent roman traduit en français de James Meek, le phénoménal Un acte d'amour (Métailié, 2007), avec ses russes fous et son cannibalisme habité, venait de nulle part et avait pris toute la critique par surprise. Nous commençons notre descente vient d’un peu moins loin (notre monde en guerre, Kaboul, Londres, New York, aujourd’hui) mais laisse cette même impression de saisir le lecteur quelque part entre la poitrine et le cerveau, là où naissent les émotions, les doutes et les angoisses, et de presser ce point vital comme une orange, pour en faire sortir le suc, l’espoir et la raison.

    Reporter de guerre lasse

    Roman au titre prometteur, Nous commençons notre descente suit les pas d’un grand reporter de guerre, Marc Kellas, en pleine campagne d’Afghanistan. Celui-ci écrit, parallèlement à ces articles un thriller ("L’Envol de l’Aigle solitaire" – sic) que tout le monde trouve assez absurde : une histoire de guerre entre les Etats-Unis et l’Europe déclenchée par le comportement non moins improbable d’une compagnie de soldats devenue folle, et qu’il a pré-vendu (pense-t-il) à un éditeur new-yorkais.

    En pleine immersion guerrière, Kellas rencontre une autre journaliste américaine, Astrid, avec laquelle il vit une intense passion de quelques jours. Alors qu'Astrid est insaisissable et semble ne pas vouloir s’attacher, Mark place, d’emblée, un peu trop d’importance et de romantisme dans ce qui ressemble de l’extérieur à quelques coups d’un soir. Après leur rencontre, les deux amants se retrouvent indirectement responsables de la mort d’une poignée d’afghans. Meek décrit avec un réalisme forcené leurs appendices technologiques, comme s’il s’agissait d’armes ou d’armures, tandis que le monde alentour semble bloqué au XIème siècle.

    Mark rentre à Londres tandis qu’Astrid saute de l’avion à la dernière minute. Alors que l'on s’interroge encore sur la signification de cette rencontre et de ces séquences (lit-on un roman traitant de l’impact de la guerre sur les grands reporters ?), Meek embraie pied au plancher sur sa séquence londonienne. Plus que la guerre, tout ce qui a précédé a servi à introduire le ver dans le fruit occidental, la folie dans ce qui semblait une existence prometteuse, ou conforme aux standards d’une certaine classe internationale occidentale. Mark va perdre les pédales ou plus justement, tomber du vélo.

  • Critique de : Lucky Harbor, tome 1 - Irrésistible,  de Jill Shalvis

    Lucky Harbor, tome 1.JPGDès les premières pages de ce roman, les lecteurs sont transportés dans l'univers pittoresque de Lucky Harbor. Cette petite ville est le refuge idéal pour les personnes en quête de tranquillité et de nouvelles opportunités. Cependant, elle cache aussi son lot de secrets et de drames qui vont à coup sûr captiver votre attention.

    "Irrésistible" raconte l'histoire de Maddie, une jeune femme dynamique qui décide de tout laisser derrière elle pour repartir de zéro à Lucky Harbor. Fraîchement débarquée, Maddie se retrouve embarquée dans une aventure aussi romantique que tumultueuse. Elle fait la rencontre de deux belles-sœurs, Tara et Chloe, qui sont les propriétaires d'un charmant hôtel familial. Ensemble, elles vont devoir affronter les défis de la vie tout en découvrant l'amour au coin de la rue.

    Ce roman se distingue par sa plume vive et enjouée. Jill Shalvis a un talent inné pour créer des dialogues pétillants et des interactions réalistes entre les personnages. Les lecteurs se sentiront instantanément connectés aux protagonistes, les accompagnant dans leurs joies et leurs peines.

    "Irrésistible" est également une histoire d'amour tumultueuse et passionnée. Les étincelles entre Maddie et l'irrésistible Jordan sont visibles dès leur première rencontre. Leur alchimie est palpable et ne cesse de s'intensifier au fil des pages. Les lecteurs seront agréablement surpris par les nombreux rebondissements qui ponctuent cette romance moderne et captivante.

    Bien que "Irrésistible" soit techniquement le premier tome d'une série, il peut également être lu comme un roman indépendant. Jill Shalvis a réussi à créer un univers facile à comprendre et à apprécier, faisant de ce livre une introduction parfaite à l'univers de Lucky Harbor.

    En conclusion, "Lucky Harbor, tome 1 : Irrésistible" de Jill Shalvis est un livre captivant qui plaira à tout amateur de romance. Avec son ambiance envoûtante, ses personnages attachants et son intrigue bien menée, ce premier tome promet d'embarquer les lecteurs pour un voyage sensoriel et émotionnel inoubliable.

     

    Lucky Harbor, tome 1 - Irrésistible,  de Jill Shalvis

  • Revue du livre Re 2020 et rénovation énergétique, de Dimitri Molle

    RE2020.JPGDans le monde d'aujourd'hui, où l'urgence climatique est devenue une réalité incontournable, la rénovation énergétique des bâtiments est un enjeu crucial. Le livre "Re 2020 et rénovation énergétique" de Dimitri Molle examine de près cette préoccupation croissante et propose des solutions innovantes pour améliorer l'efficacité énergétique de nos constructions. Dans cet article, nous résumerons les principaux points abordés dans ce livre essentiel.

      L'importance de la rénovation énergétique

    Dimitri Molle met d'abord en évidence l'importance de la rénovation énergétique dans la lutte contre le changement climatique et la réduction de la consommation d'énergie. Il explique comment la rénovation des bâtiments existants peut non seulement réduire les émissions de carbone, mais aussi améliorer le confort des occupants et diminuer les coûts énergétiques à long terme.L'auteur soulève ensuite les défis et les obstacles auxquels nous sommes confrontés lorsqu'il s'agit de rénover les bâtiments existants. Il explore les problèmes de coûts initiaux élevés, de réglementations complexes et de manque de sensibilisation du public. Cependant, il souligne également que ces défis ne sont pas insurmontables et propose des solutions pour les surmonter

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     La transition vers le bâtiment à énergie positive

    Un des points forts du livre est sa discussion sur la transition vers le concept du bâtiment à énergie positive. Molle explore les différentes technologies et innovations disponibles pour transformer les bâtiments en générateurs d'énergie plutôt que de simples consommateurs. Il met en évidence des exemples concrets de bâtiments à énergie positive dans le monde et discute des avantages économiques et environnementaux de cette transition.

     Les politiques et les initiatives pour encourager la rénovation énergétique

    L'auteur aborde également le rôle des politiques gouvernementales et des initiatives pour promouvoir la rénovation énergétique. Il examine les différents programmes qui existent dans différents pays et met en évidence les meilleures pratiques à suivre.

    Par exemple sur la rénovation des sols

    Sa vision globale de ces politiques contribue à une compréhension plus profonde de l'importance de ces mesures pour l'avenir de l'efficacité énergétique.

     
    En résumé, le livre "Re 2020 et rénovation énergétique" de Dimitri Molle est une lecture essentielle pour tous ceux qui s'intéressent à l'efficacité énergétique et à la rénovation des bâtiments. L'auteur propose des solutions novatrices pour relever les défis de la rénovation énergétique, encourage la transition vers le bâtiment à énergie positive et examine les politiques et initiatives qui soutiennent ce mouvement. Ce livre est une ressource précieuse pour tous ceux qui cherchent à jouer un rôle actif dans la construction d'un avenir plus durable.

     

     

    Re 2020 et rénovation énergétique. Guide pratique pour les bâtiments neufs et existants - maisons et copropriétés. Dimitri Molle, Eyrolles, 2022

  • votre horoscope de la rentrée !

    Ca y est ! Je suis orpheline d’enfants ! Finis les cris de joies dans le jardin, les goûters à la glace et aux bonbons… Mes twins d’amour apprennent le B A B A sur les bancs de l’école et me voici enfin au calme face à son ordinateur ! Silence dans la maison, on entend que le cliquetis de mes doigts sur le clavier … Je mets la touche finale à votre horoscope de la rentrée et je vous le donne séance tenante ce qui se trouve dans les livres d'astrologie. Bonne lecture !

     

    Si vous êtes Bélier, pour cette rentrée, Mars en Balance se conjoint à Mercure au carré de Jupiter : un cocktail dynamique qui peut créer des vagues à la rentrée. Les questions relationnelles sont au premier plan et vous risquez d’entrer en conflit avec votre entourage. Prudence !

     

    Vous êtes Taureau, dès le début du mois, Jupiter trigone Saturne en compagnie du Soleil : un tableau idyllique pour la rentrée. Vous voilà disponible pour des rapports intimes féconds, des rencontres riches de sens et des moments coquins. Tout va bien dans votre ciel pour vos prévisions !

     

    Amis Gémeaux, avec Vénus qui circule en Balance et vous apporte douceur et harmonie de bons influx qui redynamisent vos amours. C’est le retour des émois tendres, des élans passionnés, de la verve sentimentale. La rentrée promet.

     

    Chers Cancers, Jupiter est en trigone exact à Saturne le 8 : un moment de choix pour planifier vos résolutions et donner un coup de collier. La rentrée s’annonce constructive. Tout va bien dans votre ciel

     

    Les Lions sont sous la coupe de Mars - Vénus - Mercure conjoints en Balance au trigone de Neptune. C’est bien simple, vous rayonnez. Votre mine superbe vous donne l’avantage. Vous avez une énergie de tous les diables et votre confiance en vous est un atout de plus pour le succès sur tous les plans. La rentrée promet.

     

    Amis Vierges, le trigone Jupiter – Saturne est un soutien efficace pour une rentrée productive. C’est le moment de recentrer votre vie professionnelle dans un domaine spécifique où vous êtes à votre aise, de mettre en avant vos mérites et d’exprimer vos intérêts véritables.

  • Critique de GUENON par Jacques G.

    René Guénon (voir Le règne de la quantité et les signes des temps)─, dont je ne récuse en rien les qualités mais dont j’ai seulement souligné les défauts, comme je le fais pour le Zoïle abrupt, qui s’imagine par ailleurs être un grand connaisseur de l’ésotérisme islamique (on ne rit pas ! merci) écrivit par ailleurs ceci dans un article paru sous ce titre – Noms profanes et noms initiatiques ; du nom initiatique et de sa raison d’être… - p. 237, Ch. XXXVII : Le même enseignement se rencontre dans l’ésotérisme islamique, [qui] dit que « le vrai sage ne se lie à aucune croyance », parce qu’il est au-delà de toutes les croyances particulières, ayant obtenu la connaissance de ce qui est leur principe commun ; mais c’est précisément pour cela qu’il peut, suivant les circonstances, parler le langage propre à chaque croyance. » D’où ce conseil ; qu’attend-t-il pour abandonner sa croyance dans l’infaillibilité de son maître, mentor et guide, et ne suivre que l’idée du Vrai, du Bon et du Juste ? Il se remodèlerait utilement alors !

    Heureusement, un auteur a pu dire plus et mieux en beaucoup moins de mots, de phrases, de livres, et dans un style de beaucoup plus limpide, élégant et accessible, valant largement mieux que le présent article pour détourner les Lecteurs des mirages guénoniens, perfides par leur attractivité : je parle de Fulcanelli, dont il convient de lire et relire les avertissements salvateurs à la fin de ses deux maîtres-livres, qui valent mieux et plus que tout ceux de René Guénon : je parle évidemment du le Mystère des cathédrales et des Demeures philosophales…

    En outre, et pour compléter culturellement ce mien article, et préciser ce que l’on devrait entendre par qualité des écrits de René Guénon, consécutifs à leur édition : « Oui, les éditions de R[ené]. G[uénon]. continuent à être lamentables ; et si vous saviez tout ce qui se passe autour et à cause de son héritage des droits d'auteur ! La collection "Tradition" est bien morte il y a 10 ans [en 1963, donc], à cause justement des intrigues intervenues déjà alors. » (lettre dactylographiée de Michel Vâlsan datée du 28 août 1973). « C'était édifiant ! A la place parut un étrange mélange, Formes traditionnelles et cycles cosmiques, fait d'articles remarquables mais assemblés sans queue ni tête avec une introduction lamentable ! Michel Vâlsan nous avait dit, à propos du préfacier : « Il n'a jamais su écrire le français ! » Voilà où nous en sommes en 2015 … On ne félicitera pas les ayants-droits ou plutôt : ceux qui agissent fielleusement en leur nom. » C’était le 17 novembre 2015…

  • Pierre Guyotat, Carnets de bord...

    A ceux qui croient, prédisent, préconisent, argumentent, théorisent, ordonnent, malhonnêtes, un art de la discontinuité temporelle et spatiale, faisant du passé un cagibi pourri à l’ampoule grillée ou un vaste manoir poussiéreux dont les chambres seraient inutiles, tristes et hantées, il manquait un jalon à toute une histoire de la littérature, en France, qui, de Rabelais à Villon, croisant Sade,  Rimbaud et Céline, se terminait à Bataille, au mieux embrassait les éclats saignants et pétales de rose d’un Jean Genêt, faisant de Lautréamont et d’Artaud les derniers soleils révulsés d’une imagination atroce, et n’ayant désormais pour seul horizon politique, esthétique, caricatural parfois, que l’Amérique sous acide et béante d’une noirceur éthylique, d’un Burroughs adorateur de garçons sauvages ou d’un Bukowski  seigneur-jouisseur de comptoir de bistrot.

    Il manquait un nom à porter sur cette trame bouillante qui fait s’entrecroiser l’art et la vie dans ce qu’ils ont de plus incendiaire et cruel : le réalisme macabre et la dramaturgie obsessionnelle, fiévreuse, érotique.

    L’œuvre de Pierre Guyotat, comble cette lacune étrange qui voudrait que l’actualité du monde se fasse en langue anglaise ou qu’une partie de l’histoire de l’Europe, ni totalement blanche, ni totalement exempte de crimes à l’égard de ses voisins, se dérobe au fait littéraire. Pierre Guyotat, dans un style âpre et concis qui est le sien, dans une matière ou une texture archaïque, livre le visage d’une horribilité de la condition humaine, d’une dramatique insoutenable, d’une crudité des rapports sadiques qui est le thème des plus épaisses littératures. En cela, j’ose exprimer qu’il y a une profonde continuité entre ces écrits et le temps, entre ces écrits et l’époque ancienne, entre ces écrits, bien sûr, et le monde contemporain.

    Ce sont les précieux Carnet de Bord, édités par Lignes et Manifestes en 2005, qui nous font le mieux saisir ce que cette démarche littéraire a, à la fois, de complexe et d’imposant. Une exigence obstinée d’être autant dans le réel et le chez-soi donne à ces pages un esprit de méthode de même qu’une tension rare, une tension précieuse, une tension souveraine, celle des meilleurs témoins ou commentateurs, dont la vivacité intense se heurte au dégoût, dont la capacité dévorante d’amour se brise sur la haine ou la rage. Et ceci ne serait rien encore, si l’on avait affaire à un narcissisme mondain ou d’une vanité pacotille, à un égo simplement enivré de lui-même, respirant la tiédeur des parfums vivaces comme les relents d’odeurs plus fraîches, liées au corps…

    La puissance d’un moi créateur renoue, ici, avec la capacité de s’ouvrir à l’universel : l’autre, en l’occurrence le non-moi, en l’occurrence le tabou de la guerre, en l’occurrence le tiers-monde, l’arabe, le prisonnier, le cadavre, l’animal, l’enfant, la chair torturée, la chair désirée, le jeune garçon mais aussi la femme.

    Alors qu’Eden Eden reste une expérience-limite en tant qu’acte de lecture insoutenable, doté d’une puissance stylistique vertigineuse, beauté somptueuse de l’écriture qui noie le voyeurisme dans un espace d’une profondeur irregardable, les Carnets sont à l’inverse d’une transparence liquide, à la façon d’un médaillon qui s’ouvre en deux parties : un versant abrupt et un versant plus tendre, plus accueillant, dans la mesure où la douceur du regard violenté est la clef des univers littéraires les plus mentalement, physiquement, violents.

    Alors que Le livre s’ouvre sur un objet, par définition, frustrant et, par nature, saturant, offrant une œuvre déchiquetée où les termes semblent hachés, coupés, mordus, sucés, exposés dans leur nudité impeccable par un auteur mi- présent, mi-invisible, les Carnets éclairent le regard du lecteur à force de répétition et de monstration monstrueuse, d’obscénités purifiées dans le grand jour.