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  • Avis sur La planète des singes - William T. Quick

    Auteur : William T. Quick
    Titre : La planète des singes
    Editeur : J'ai lu
    Année : 2001


    Cette novellisation du film de Tim Burton (août 2001) adapté du célèbre roman de Pierre Boulle (1963, repris en Pocket, 1989) se démarque de manière radicale de l'original. Ici, Leo Davidson a la mauvaise idée en 2029 de plonger à la poursuite de son singe expérimental fétiche dans une tempête électromagnétique. Ni une ni deux, malgré les appels de son vaisseau l'Obéron, le spationaute se retrouve sur le sol d'une planète où des singes doués de paroles pourchassent comme des bêtes sauvages des humains primitifs

    Le renversement des rôles civilisés/barbares se rencontrait déjà, porté à son acmé philosophique dans le roman de Boulle où trois hommes atteignaient une lointaine étoile, qu'ils découvraient peuplée de singes tandis que les hommes sous-évolués ne parlaient plus. S'ensuivait un patient travail de démonstration de l'humanité qu'on ne retrouve plus dans les dernières versions de ce récit d'anticipation. Fantastique, le roman de Boulle l'était surtout à partir de cette question du langage. Transposant ce chef d'œuvre SF à l'écran, le film mythique de Franklin J.Shaffner (1968) mettait également l'accent sur cette question dont on déplore qu'elle soit absente de la novellisation de T. Quick, qui préfère jouer la carte de l'humour et des métaphores décalées, tout comme Burton en rajoute dans l'esthétisation des scènes d'action.

    Ce qu'on gagne d'un côté, on le perd de l'autre : disparus, les enjeux universels, la parabole sur les dangers de la science. Seule demeure la menace du retour au regroupement clanique et totémique. Il est vrai qu'entre temps on ne parle plus du même lieu : c'est sur la Terre que se jouait le destin de l'humanité chez Boulle/Shaffner, c'est sur une autre planète que Davidson organise la rébellion humaine chez Burton/Quick. A l'inversion première livre/cinéma correspond une nouvelle inversion : cinéma/livre dont la spécificité de la langue fait donc les frais ; mais on y gagne il est vrai un paradoxe temporel qui n'est pas sans rappeler la duplicité de maître Boulle "himself". Pour ceux que tant de considérations comparatives sur les singes chagrinent, les éditions Montparnasse vidéo font paraître l'admirable et non moins philosophique DVD King Kong (version 1933 de Ernest B. Schoedsack). Alors, planète des singes ou planète des songes ?

     

  • Une histoire d’amour et de ténèbres

    Je devrais me borner à dire qu’il faut séance tenante lire Une histoire d’amour et de ténèbres, car tout commentaire est inutile devant l’évidence éclatante du chef-d’œuvre. Je me permettrai donc seulement, en toute modestie, de proposer une sorte de « mode d’emploi », mais que personne n’est obligé de suivre.

                Supposons donc que l’on commence par le chapitre 5, où Amos Oz nous dit, en substance, qui est le mauvais lecteur, celui qui estime que tout écrit est autobiographique. Au contraire, la vérité est produite par une observation enrichie, transposée, sublimée par les éclairs de l’imaginaire. C’est pourquoi le témoignage de l’auteur, les très nombreux personnages qui l’entourent ou dont il relate le passé acquièrent une dimension d’authenticité littéraire d’une intensité humaine prodigieuse.

                Nous pouvons maintenant aborder les premiers chapitres et tenter d’évaluer la situation où se trouvaient les Juifs qui peuplaient les territoires sous mandat britannique dans les années allant de 1940 à 1948. Trois communautés, en gros  : à Jérusalem, ville pauvre, vivaient des ashkénases, originaires d’Ukraine, de Lituanie, de Pologne, qui avaient échappé au nazisme. Tel-Aviv est la cité moderne, capitale politique, attirante mais dangereuse parce que, plus riche et européanisée, elle risque de perdre la fidélité au sionisme pur et dur. Enfin, en Galilée, réside une jeunesse nouvelle, celle des kibboutz, sans préjugés ni tabous, qui travaille la terre, s’oppose aux intrusions des Arabes (on ne parle jamais de Palestiniens), est tentée par le socialisme, et même une forme de communisme, veut construire une génération athlétique et sportive, en rupture complète avec le mode de vie de la diaspora depuis cinq siècles. Les rescapés de la Shoah sont souvent considérés comme des geignards demeurés fixés sur leurs malheurs.