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blog littéraire

  • Avis sur Plan de table, de Maggie Shipstead (Belfond)

     

    La préparation d’un mariage : voilà un sujet léger et gai souvent traité notamment au cinéma – il existe même un film homonyme – et qui tourne souvent à la farce douce-amère, voire au cynisme cinglant.

    Ce livre, Plan de table,  n’échappe pas à la règle. Elle nous fait le récit des heures précédant la cérémonie qui doit unir Daphné Van Meter au père de l’enfant qui arrondit pleinement son ventre.

    Les parents de la mariée organisent les festivités sur une île de privilégiés dont la dénomination évoque un exotisme savamment burlesque – Wakeke – et qu’on situe quelque part entre le Cape Cod et la baie du Massachussetts. Ils y ont une demeure familiale acquise par le grand-père paternel avant que l’île ne devienne un refuge paradisiaque pour nantis. Les Van Meter sont donc aisés, certes, mais leur richesse n’est pas un héritage de classe sociale. Ils ne font pas vraiment partie de la « haute », même si le père meurt d’envie depuis ses années d’université d’intégrer les confréries ou les clubs privés les plus « select » et qu’il ne rechigne jamais à rabaisser les autres pour mieux se hisser au sommet de la pyramide sociale.

    La famille est donc réunie autour de Daphné et de ses demoiselles d’honneur ; la belle-famille – un beau parti que ce gendre aussi falot que mou ! – réside à l’hôtel non loin ainsi que tous les invités. Et les heures s’égrènent en répétition de cérémonie, achèvement fébrile des préparatifs, déjeuners et dîners festifs réunissant tous les protagonistes souvent imbibés d’alcool…

    Tout semble idyllique, sauf que… c’est sans compter sur la sœur cadette de Daphné en pleine dérive affective ; sur le frère du marié qui batifole de fleur en fleur semant la discorde au sein des demoiselles d’honneur ; sur la mère de la mariée qui avale les couleuvres une à une et semble sur le point d’exploser à tout instant ; sur une nymphomane frigide aguichante qui finit par irriter tout le monde ; et sur le père qui est prêt à sacrifier sa famille sur l’autel de la reconnaissance sociale qu’il a toujours ardemment souhaitée… Autant de mini-drames individuels, parfois profonds mais souvent grotesques, qui plombent l’ambiance et égratignent les coeurs…

    Le roman est souvent drôle et piquant, alternant la farce vaudevillesque et les moments de dépression existentielle de personnages hauts en couleur. Wakeke est aussi un personnage à part entière avec son particularisme insulaire qui vire au huis-clos étouffant, à la fois par son aspect encore sauvage mais aussi à travers la colonisation qui en a été faite par des grands bourgeois citadins qui s’opposent radicalement au mode de vie simple et naturel des habitants du cru.

    Un bon divertissement, léger mais grinçant…

     

  • lecture du roman : Le monde à l’endroit, de Ron Rash

    On retrouve cette année Ron Rash au Seuil pour un roman qu’il a écrit deux ans avant Serena, mon grand coup de cœur de l’année 2011.

    Nous sommes toujours en Caroline du Nord, au pied des Appalaches dont la ligne bleue domine le vaste horizon. Les habitants sont rudes, à l’image de ce territoire. Ils vivent de l’agriculture, de la pêche et se réconfortent dans les fêtes de village au son des folk songs ou de la country qui semblent avoir, au moins le temps d’une soirée, le pouvoir d’adoucir les mœurs.

    Travis est un jeune homme intelligent mais en totale rupture avec son père qui le dévalorise continuellement. Suite à une cuisante leçon qu’il se voit infliger par deux propriétaires terriens mal dégrossis alors qu’il vole leurs pieds de cannabis clandestins, Travis s’installe chez Leonard, un professeur déchu reconverti depuis son mobile home dans les trafics en tout genre. Ils cohabitent tous les deux avec Dena, une jeune femme faible et vulnérable, toxicomane et victime plus souvent qu’à son tour.

    Leonard, sous des aspects de brute épaisse qu’il entretient afin de continuer son commerce licencieux en toute sérénité, est un intellectuel, un homme cultivé et sensible qu’un incident de parcours dévastateur a bouté hors du droit chemin. Il remarque le potentiel de Travis et l’incite à poursuivre ses études. Ils s’entendent d’autant mieux qu’ils partagent tous les deux le même intérêt pour les cruelles histoires familiales et locales du temps de la Guerre de Sécession. Travis voit en Léonard le père qu’il aurait aimé avoir. Tout semble s’arranger pour lui.

    Le monde à l’endroit est avant tout une histoire de bons ou de mauvais choix plutôt qu’une histoire de bien et de mal, d’hommes bons et d’hommes mauvais. Les leçons de la vie s’apprennent au prix fort et même si la connaissance et le savoir sont des valeurs porteuses d’espoir, elles ne garantissent en aucun cas à elles seules une porte de sortie honorable. La, ou plutôt les, figures du père, sont malmenées. L’autorité abusive fait des dégâts irréversibles quant l’autorité naturelle peine à s’imposer. Mais la force non plus n’est pas synonyme de victoire…

    Ce roman n’est pas aussi abouti que Serena à mon sens, je pense notamment à l’imbrication de la Guerre de Sécession dans le récit qui ne m’a pas convaincue. Il porte pourtant en lui la puissance narrative de Ron Rash, ses paysages sublimes et ses personnages intenses, sa vision de l’homme tout en nuances mais sans concession. Et c’est déjà beaucoup…

    Note : 14/20

  • Le livre d'histoire : TU TE SOUVIENS DE 68 ?

    Quarante ans déjà ! Quarante ans que des revendications estudiantines à Nanterre pour visiter les filles dans leurs chambres furent le préludes à trois mois de contestation sur fond de barricades qui firent vaciller le pouvoir gaulliste.

    L'auteur de ces lignes avait à l'époque le même âge que Bernadette Costa-Prades, qui vient de publier ce livre d'histoire contemporaine :  TU TE SOUVIENS DE 68 ? ,  (au même titre qu'un Le Goffqui a publié  "Mai 68 : l’héritage impossible," et  "La France d’hier : Récit d’un monde adolescent, des années 1950 à Mai 68," ) mais il ne connut que l'ambiance étriquée d'un CES de province où la seule velléité de révolte fut de refuser de retourner en cours après la pause de midi, et ce, la veille de la fermeture de l'établissement pour cause de grève des professeurs.

      L'album présenté ici tranche sur beaucoup d'autres livres  témoignages sur ces "mois des enragés" car comportant un cahier photo impressionnant composé de clichés peu ou pas vus jusqu'à maintenant. Les souvenirs de quelques témoins, pas les mêmes non plus qu'à l'accoutumée, et aussi et surtout la suite de mai, c'est à dire les années ayant immédiatement suivi cette bombinette qui transforma tout de même la société, tout au moins en ce qui concerne la libération des moeurs.

    Que sont devenues les "vedettes" de 68 ?

    Députés ou sénateurs, bushistes et pro guerre en Irak pour certains. D'autres, s'ils ont perdu leurs illusions, ont conservé une part de leurs convictions. Pères mères et souvent grands-parents, retrouvez les adolescents et jeunes adultes qui crurent que des slogans (certains très inventifs, d'ailleurs) pouvaient changer le monde. Souvenirs, souvenirs !

      

     

    TU TE SOUVIENS DE 68 ? une histoire intime et affectueuse  de Bernadette Costa-Prades  Albin Michel  143 pages  19,90 €

     

     

  • Avis sur Le Vase d'or, d'E.T.A Hofmann

    Il s'agit d'un très beau conte, écrit en 1813, qui peut recevoir au moins deux lectures.

    D'abord, c'est une histoire fantastique pleine de rebondissements, bien écrite, au style vif, qui mélange intimement le réel (la Dresde du 19ème siècle) et la fable, dans l'esprit romantique un peu échevelé allemand. Novalis n'est pas loin…

    Mais c'est aussi le récit d'une quête initiatique de la "connaissance", de l' "Un", à travers une alternance d'épreuves bien réelles et de plongée dans le surréel et l'onirisme. Ce mélange permanent réel / surréel est magnifiquement conduit et ne se prend jamais trop au sérieux, en contraste avec le modèle avoué, La Flûte Enchantée de Mozart. Quelques indices :

    - Le héros (Anselme), gaffeur dégoûté d'une vie terrestre pleine d'échecs, en dépit de ses qualités profondes, aspire à la Connaissance (l'extase mystique) qu'il a un jour entrevue.
    - Un gourou (l'archiviste) va alors lui montrer les épreuves à surmonter (copie de grimoires insensés) et le guider.
    - Il lui montrera que le monde réel est comme un enfermement dans une fiole de cristal. Certains s'en contentent…Lui non.
    - Il l'aidera à comprendre la grande unité du "tout". La voie qu'il lui fera prendre, classique dans la philosophie orientale et peu ou prou dans toutes les mystiques, est celle de l'union des contraires - complémentaires, ici l'homme et la femme. Sa fille, le petit serpent vert, sera le pôle féminin dont Anselme tombe amoureux, prélude à l'union charnelle et mystique.
    - La scène finale de la 12ème veille n'est rien autre qu'un accouplement mystique, dans la ligne du bouddhisme tantrique ou du Cantique des Cantiques : "O mon bien aimé ! Le Lis a ouvert son calice…, le but suprême est atteint ; y a-t-il une félicité qui s'égale à la nôtre ? …". Rideau !

    Un livre plein de charme, un peu désuet, mais qui donne deux heures de belle lecture.

     

    Editions Aubier - bilingue - Domaine allemand

  • Avis sur The Annunciation of Francesca Dunn, de Janis Hallowell

    Francesca Dunn, qui lutte comme tout adolescent pour trouver sa place dans le monde, est vue par un sans-abri, Chester, qui a soudainement une vision d'elle comme la Sainte Vierge. Lorsqu'il la voit aider dans un café local, il s'agenouille devant elle. Chester, soit fou, soit visionnaire, répand la nouvelle de sa sainteté et des foules viennent lui offrir leur dévotion. La mère de Francesca, scientifique et incrédule, tente de la protéger de tout cela et de lui faire suivre une psychothérapie. D'autres personnes offrent leur aide à Francesca ou cherchent à profiter de sa célébrité. Francesca se laisse prendre au piège de la frénésie et commence à se demander si cette adoration lui était vraiment destinée.

    The Annunciation of Francesca Dunn a reçu des critiques majoritairement positives, BookPage.com déclarant : "Magnifiquement écrit et regorgeant de personnages forts et excentriques attrayants, cette version magique et moderne de l'histoire de l'Annonciation de la Vierge soulève des questions intrigantes sur la nature de la foi et de la religion contemporaines."

     

    The Annunciation of Francesca Dunn de Janis Hallowell

  • Très bonnes adresses de librairies sur la Chine à Paris

    Dès que l'on commence à s'intéresser à la culture chinoise, il y a de quoi avoir le vertige face à la masse d'ouvrages, de romans et d'articles disponibles . Mais cela fait partie de la Chine ! Jamais on ne pourra la saisir dans sa globalité. Que vous soyez passionné de littérature chinoise, de philosophie orientale ou simplement curieux de découvrir de nouveaux horizons, les librairies chinoises de Paris sont un véritable trésor à ne pas manquer.


    Allez vous perdre dans les rayonnages de  librairies très complètes sur le Chine :

    - La librairie Le Phénix, 72 bd de Sébastopol 75003 (Métro Réaumur Sébastopol). Elle est connue par la communauté chinoise car elle propose un large choix d'ouvrages, journaux et revues en chinois. Mais les titres en français sont les plus nombreux !

    - La librairie du Musée Guimet (Métro Iéna) est très bien faite. Elle privilégie bien sûr la dimension artistique et religieuse et a un beau rayon consacré à la littérature jeunesse. Le musée Guimet n'est pas voué exclusivement à la Chine mais sa librairie est bien plus complète que celle du Musée Cernuschi.

    - Librairie You Feng : située dans le quartier de Belleville, cette librairie propose un large choix de livres en chinois, des ouvrages pour enfants, des bandes dessinées et des produits culturels divers.

    - Librairie de Chine : nichée dans le quartier du Marais, cette librairie propose un catalogue varié de livres en chinois, des guides de voyage, des romans chinois traduits en français et des essais sur la culture chinoise.

    - Librairie Galerie du Pré aux Clercs : située près de l'Opéra Garnier, cette librairie spécialisée dans les ouvrages d'art propose également une sélection de livres chinois et des livres rares introuvables ailleurs.

    Autres librairies avec un bon nombre de livres : la librairie SAPHIRA https://www.editions-saphira.com/categorie-produit/meilleurs-livres-histoire/livre-histoire-chine/

    C'est bien simple, tous les ouvrages de qualité anciens ou les plus récents sur la question sont en rayon. On trouve beaucoup de titres que l'on ne trouve pas ailleurs. En revanche, pas de livres d'occasion. On trouve également des cartes de bonne qualité sur les villes chinoises (mais attention bien plus chères que dans le pays). 

     

     

  • Avis sur le livre : Les chiens d'Allan Stratton

    Les chiens d'Allan Stratton.JPG"Allan Stratton sait comment tenir ses lecteurs en haleine", voilà ce que je me suis dit dès les premières pages de ce livre. L'auteur sait mélanger suspense, mystère et rebondissements pour créer une atmosphère addictive. L'intrigue est bien ficelée et nous tient en haleine tout au long de l'histoire. Chaque page nous réserve son lot de surprises et d'émotions fortes.

     
    Les personnages qui peuplent ce roman sont extraordinaires. Ils sont à la fois complexes et réalistes, ce qui les rend immédiatement attachants. Allan Stratton a su développer leurs personnalités de manière approfondie, ce qui permet au lecteur de s'identifier à eux et de ressentir leurs émotions. On ne peut s'empêcher de se prendre d'affection pour ces personnages si bien construits.

     
    Ce livre va bien au-delà d'une simple histoire captivante. Allan Stratton y aborde des thèmes profonds et importants de notre société contemporaine, tels que l'intimidation, la discrimination et l'importance de la famille. L'auteur pousse le lecteur à réfléchir et remettre en question certaines normes sociales. C'est une véritable critique de notre société, servie avec subtilité et intelligence.

     
    La plume d'Allan Stratton est d'une beauté rare. Son style poétique et percutant nous transporte dans un univers d'émotions tout en nous faisant réfléchir. Chaque mot est soigneusement choisi et chaque phrase est un véritable chef-d'œuvre littéraire à elle seule. L'auteur possède un talent incontestable pour décrire les émotions les plus profondes avec justesse et authenticité.

     
    En somme, "Les chiens" d'Allan Stratton est un livre qui mérite d'être découvert. Son intrigue captivante, ses personnages attachants et sa réflexion sur la société contemporaine en font un chef-d'œuvre littéraire à part entière. La plume poétique et percutante de l'auteur ajoute encore plus de profondeur à cette histoire déjà riche en émotions. Si vous aimez les romans qui vous prennent aux tripes et qui vous font réfléchir, alors ce livre est fait pour vous. Ne passez pas à côté de cette pépite de la littérature contemporaine ! 

     

  • Lecture de : Nous commençons notre descente de James Meek - fin

    Suite de notre chronique de Nous commençons notre descente

    Nous commençons notre descente de  James Meek.JPGDevenir fou

    De retour à Londres, le journaliste ne tient plus en place dans son ancienne vie. Meek se paie une grande scène de sabordage cruel à la Martin Amis ou à la Jonathan Coe, dont la violence et l’incongruité est renforcée par le décalage complet d’avec les 100 premières pages du livre. Kellas est obsédé par le souvenir d’Astrid, et le romancier met en scène la cristallisation amoureuse qui gagne l’homme jusqu’à lui faire perdre la tête, tout en la jouant assez finaud pour ne pas expliciter les causes profondes du déséquilibre. Il suggère que le sens peut s’échapper d’une existence en faisant pschitt, proposant par ce moyen une critique assez radicale du monde qui s’échine à rester le nôtre, alors que tout le reste tourne maboul.

    Un jour, Mark Kellas reçoit un mail d’Astrid qui lui demande de venir la rejoindre. Il prend l’avion illico, passe à New York chez son éditeur qui se défile (l’entreprise est rachetée) et parachève sa déroute. Astrid vit sur une île, avec un homme plus vieux qu’elle. A-t-elle appelé à l’aide ? Veut-elle revoir Mark ou s’agit-il d’autre chose ? Peut-on aimer unilatéralement une femme qu’on connaît à peine ? Nous commençons notre descente. Le titre emprunté au trajet aérien qui mène Kellas à New York suggère que tout se termine toujours par un atterrissage. Et celui-ci aura bien lieu, avec des allures de crash mais aussi un rétablissement un rien branque, qui constitue la seule touche d’espoir (mince et tellement belle) du roman.

    Des bienfaits de la tragédie antique

    Roman du déséquilibre, Nous commençons notre descente semble constitué de parties qui ne vont pas bien ensemble (l’épisode londonien est volontairement outré, laborieuse, lestée de blagues et de séquences inélégantes sur le plan littéraire) mais qui produit, par la somme de ces mêmes parties, un mouvement hypnotique, terrifiant et incroyablement fluide. La dégringolade de Kellas est une dégringolade humaine mais, d’une certaine façon aussi, une dégringolade civilisationnelle, amoureuse et psychologique, un portrait ultraprécis de l’homme occidental d’aujourd’hui.

    Nous commençons notre descente est le roman du dérisoire qui s’oppose à l’essentiel, de l’homme qui se bat à poil contre un sort plus fort que lui. Meek est comme un tragédien grec ou l’égal d’un Racine. Son roman met à jour la nature humaine et gratte la chair des passions jusqu’à l’os. Le résultat est d’une justesse sidérante, un de ces romans qui, lorsque les détails s’effacent, laissent une trace impressionniste dans le souvenir du lecteur. Une autre merveille.

    James Meek, Nous commençons notre descente, Métailié, août 2008.